Education Nationale en sursis: Enseignants et élèves en danger/ par Pr. ZOUBAIRI Ranya
Education Nationale en sursis: Enseignants
et élèves en danger
Par Pr.
ZOUBAIRI Ranya
Enseignante
chercheuse en Ingénierie Pédagogique, Littératures et Arts
Il est temps de revoir nos définitions du « terrorisme », du « terroriste » et de ses victimes. La négligence, l’insouciance et le désintérêt de certaines institutions favorisent l’émergence d’une nouvelle forme de terrorisme qui bourgeonne et répand ses boutons corrompus jusque dans nos écoles.
La
banalisation de la violence de certains élèves - violence encouragée même des
fois par leurs parents-, à l’égard de leurs enseignants et de leurs camarades,
ainsi que l’absence de normes claires par rapport aux comportements agressifs,
les notes ministérielles permissives qui se désintéressent complètement du
bien-être et de la sécurité du corps éducatif et des apprenants, ne font
qu’autoriser certains élèves à plus de violence. Or, une des premières
obligations du Ministère chargé de l’Education Nationale, des académies
régionales de l’éducation et de la formation, des directions provinciales ainsi
que des établissements scolaires est d’assurer la sécurité mentale et physique
des élèves, mais aussi celle des équipes pédagogiques et éducatives, afin que
l’enseignement y soit prodigué le plus sereinement possible.
II est
inconcevable de continuer à museler les enseignants en faisant de la violence
qu’ils subissent un tabou. Combien d’enseignants osent en parler de peur
d’être jugés incapables ou de peur de porter atteinte à leur carrière ? Et
quand cela remonte aux oreilles des directeurs et de l’administration combien
d’entre eux prétendent être enchaînés par des notes ministérielles absurdes et
permissives qui sapent leur autorité, les contraignant au mutisme et à une
dangereuse inaction ?
Ces
violences auxquelles se heurtent l’enseignant et ses élèves ne reflètent pas les
compétences individuelles de l’éducateur, mais dépendent de facteurs qui lui
échappent largement, comme la pauvreté, le niveau de criminalité du quartier,
la formation initiale du personnel de l’administration, la sécurité inexistante
au sein des établissements, etc. C’est une forme insidieuse de terrorisme que
nourrissent la dynamique collective au sein de l’institution éducative, la manière dont le système scolaire répartit
les élèves entre différentes écoles, la gestion chaotique de l’éducation
nationale qui n’a de cesse de pondre une multitude de notes et de décisions
incontestablement détachées de la réalité des classes et des établissements
scolaires. Une telle incompétence mérite d’être pointée du doigt ! Le
ministère chargé de l’éducation nationale conserve, reconnaissons le, une marge
considérable de responsabilité quant à l’intensité des problèmes auxquels sont
confrontés les établissements ainsi que le corps administratif et enseignant.
L’enseignant
n’a pas pour mandat de prendre en charge la question sécuritaire de son
établissement ni d’endosser tous les rôles, mais il a le devoir de mettre en œuvre
les conditions les plus favorables à l’apprentissage. Notons aussi qu’un climat
positif est aussi du ressort de chaque élève. Mais encore, le ministère chargé
de l’éducation nationale devrait sérieusement réfléchir à une politique
éducative axée sur des valeurs humanistes et citoyennes, revoir le statut de
l’enseignant qui n’a de cesse de perdre de son prestige, notamment avec cette mascarade ségrégationniste du
recrutement par contrats qui n’a fait que bafouer le droit des enseignants à un
statut décent.
Par
ailleurs, il est du devoir de nos décideurs de se décider enfin à soutenir l’enseignant ainsi que l’élève agressés,
en prévoyant, entre autres, des équipes
mobiles offrant un service de soutien en cas de situation de crise dans
l’école, autrement dit, une situation affectant l’établissement scolaire à la
suite d’un fait précis ; ou afin de permettre la reprise du dialogue au sein de
l’établissement scolaire qui a connu une situation de crise. Ajoutons à cela
l’aide d’un numéro vert d’assistance aux écoles vers lequel les établissements peuvent
se tourner et qui serait destiné à informer les victimes de violence, à
apporter un soutien et un accompagnement psychologiques, pédagogiques,
administratifs et juridiques aux établissements scolaires (enseignants – élèves
– administration) lors d’événements d’exception.
D’autre
part, il est à noter qu’un enseignant non syndicalisé et qui de surcroît a été
recruté dans le cadre d’un contrat précaire favorisant les inégalités au sein
même du corps enseignant, est une proie facile à la discrimination
institutionnelle, aux harcèlements, aux humiliations et aux violences de toutes
sortes. Il est plus qu’urgent de revoir la politique gouvernementale en matière
d’éducation nationale de manière inclusive et participative en incluant les
enseignants dans l’élaboration et la mise en place de politiques éducatives
réalistes et efficaces. Un secteur aussi vital que l’éducation devrait être revu et réformé de fond en comble
par des experts de l’éducation et non des hommes politiques.
Aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin d’une réforme de la politique éducative et culturelle consciente et réfléchie qui puisse améliorer la performance de notre système éducatif tout en garantissant les droits et la sécurité des enseignants ainsi que de leurs élèves et cela à tous les niveaux.
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