Chettah, une autoproduction réalisée pendant la pandémie et un message de solidarité et de tolérance- Interview avec son réalisateur Lotfi Ait Jaoui
Chettah, une autoproduction réalisée pendant la pandémie et un
message de solidarité et de tolérance- Interview avec son réalisateur Lotfi Ait Jaoui
Par
Bouchra CHAKIR- Ati Mag et Ati Tv
Le long métrage (Chettah) de son réalisateur Lotfi Ait Jaoui, est une comédie marocaine qui fera sa sortie dans les
salles du Royaume dès le 25 janvier 2023. Il traite d’un sujet considéré comme
tabou et pourtant il s’agit bien d’un personnage qu’on a tous connu enfants et
qui faisait partie du quotidien marocain, Chettah ou le danseur travestit était une
figure emblématique des convois pour la mariée (Hdiya) et sur nos télévisions,
comme l’était Feu Bouchaib Bidaoui, honoré d’ailleurs dans ce film, aussi, ces personnalités étaient et sont toujours présentes à la célèbre place Jemaâ
El Fna de la
ville Ocre.
En hommage à ce personnage
et en message de tolérance et d’acceptation
de l’autre sans préjugés, vient ce film qui met en vedette plusieurs acteurs
marocains.
Nous avons rencontré le
réalisateur du film Lotfi
Ait Jaoui qui a bien voulu nous ouvrir
son cœur et nous répondre sur plusieurs points
l’idée du film
C’est l'histoire d’un jeune sportif nommé Rabiæ. Il est coach et fils
d'un Imam très religieux. Il se voit contraint de faire équipe avec une troupe
de musique populaire et danser comme « chettah » (travestit en habit féminin)
afin de gagner une subvention européenne pour équiper sa modeste salle de sport
et épouser sa bien-aimée Jamila, fille du président de la commune du village...
Pourquoi le choix d’une équipe de travail qui combine acteurs, influenceurs et artistes de la place Jemaâ El Fna?
Un réalisateur est toujours en quête de nouvelles expériences, personnelement je considère cette idée comme une expérience et si vous avez remarquez, les rôles principaux étaient attribués à des acteurs connus comme Basma Mazouzi, Abdelilah Rachid, Jamal Laababsi, Ben Issa El Jirari, Asmaa Khamlichi, Zhour Slimani, Jawad Essayh et d’autres.
Pour la place Jemaâ
El Fna, c’est une sorte de théâtre permanent, connue par ses artistes spontanés,
l’art de (Halqa) est un art qui s’est imposé sur cette place depuis longtemps
comme par exemple Lamsiyeh, dès que vous le voyez il vous fait rire, c’est
un vrai artiste.
Ce choix a été un privilège pour le film et c'était une réussite aussi et chaque personne était vraiment à sa bonne place
Une autoproduction pendant la pandémie sans aucune subvention comment avez-vous réussi ce challenge?
Premièrement, il y avait une vraie volonté et l'ambiance du travail était propice aussi. Tous les films iraniens par exemple ont un petit budget et pourtant, ils produisent d'excellents films.
Pendant le tournage du film et malgré la période de la pandémie, il y avait une vraie solidarité entre toute l’équipe, acteurs, équipe technique, scénariste etc, on était tous solidaires, sur le plateau de tournage, régnait une vraie ambiance familiale.
J’en profite pour passer un message important, c'est un appel aux responsables sur le secteur de l'audiovisuel pour encourager l'autoproduction car c'est la seule façon de promouvoir nos productions cinématographiques. Le secteur privé devrait investir dans la production audiovisuelle au lieu d'attendre les subventions étatiques. L'Égypte, par exemple, ils n’ont aucun soutien pour les films, mais le secteur privé investit dans ce secteur et ils y excellent par leurs productions, nous devons trouver un moyen de commercialiser les nôtres sans pour autant se focaliser sur les subventions.
Une longue carrière en tant qu’assistant réalisateur, deux longs métrages après, qu’est-ce que cette expérience vous apporté ?
En effet, le film Chettah est un long métrage, j’avais fait un autre pour la télévision marocaine Al Oula (El Ghadi)
Comme assistant
réalisateur, j’ai appris beaucoup de choses de diverses écoles, depuis que j’ai
travaillé sur le film «L'Algérie des chimères» et après
« Kingdom of Heaven », « Alexandre » et puis le film la Bible, «Prince
of Persia» etc
Chaque réalisateur et chaque école m’apprenaient des choses, le storytelling, comment gérer un plateau de tournage, la vue du réalisateur, prise de vues, bref, un vrai jargon du cinéma, j’ai appris beaucoup des films internationaux, et Dieu merci, Le Maroc est rempli d’atouts qui fait qu’il est devenu une destination incontournable de l'industrie cinématographique et on a aussi de vraies compétences dans le domaine, que ce soit les techniciens, les graphistes, chefs machinistes, les assistants réalisateurs, les régisseurs, la main d’œuvre et aussi les magnifiques paysages et la lumière dont dispose notre pays et surtout la sécurité au Royaume, tous ces avantages ont fait que le Maroc soit à la tête des destinations cinématographiques
Mon expérience je l’ai apporté à mon travail au Maroc, j’ai travaillé avec plusieurs réalisateurs marocains avec qui je sentais ce "feeling", comme Brahim Chkiri, Fatima Boubekdi, Daoud Oulad Sayed et bien d’autres.
Mais parfois, quand vous avez l’habitude de travailler comme assistant
réalisateur pour des films étrangers et que vous venez le faire pour certains
films marocains, vous vous sentez gêné de voir qu’on cherche plus la rapidité que
la qualité et la compétitivité, certains vous demandent de venir vite pour se préparer
et tourner de façon hâtive, comme des téléfilms qui ont été tournés en une
semaine, enfin, plusieurs choses doivent être reconsidérées chez nous.
Si on vous donne un bon scénario mais réalisé par quelqu’un d’autre vous pourriez refaire l’expérience d’assistant REA ?
Oui, un bon scénario mais aussi de bonnes conditions, comment pouvez-vous réaliser un film de 6 semaines de tournage si vous préparez deux semaines seulement? Ce n’est pas possible, pour un travail bien fait, il faut préparer au moins deux ou 3 mois avant.
En effet, Je suis en discussion avec plusieurs réalisateurs, comme un marocain qui vit à Bruxelles qui pense aussi qu’un bon film doit prendre le temps nécessaire pour se préparer alors pourquoi pas?
Pourquoi on est devenu moins tolérants envers ce personnage qui constituait une partie de notre passé?
Oui avant on acceptait beaucoup plus l’autre tel qu’il était et pas comme on voudrait qu’il soit. Je me souviens du feu Bouchaib Bidaoui qui incarnait ce personnage à la télévision que nos parents admirait et que tout le monde acceptait d’ailleurs, maintenant, on vit dans une époque où règne l’intolérance et le déni de l’autre de façon gratuite et sans raison, tout est devenu rapide, l’information, le fastfood et même la haine, la société a changé et nous oublions que respecter l’autre c’est avant tout l’accepter sans le juger. Ces personnes, ont des familles et des enfants, j’ai perçu personnellement leurs problèmes et je me suis dit, il faudrait qu’on parle d’eux.
Vois savez, nos parents, n’avaient pas un grand niveau scolaire, mais ils étaient élevés de façon à accepter l’autre, à la tolérance, ils tenaient un discours raisonnable et rationnel, ils avaient des attitudes respectueuses et heureusement qu’on a encore un publique qui a le goût du cinéma, nous l’avons constaté lors de la projection du film à Tanger, il y avait des familles qui sont venues voir le film et ils l’ont apprécié.
C’est un film Grand Public sans outrage à la pudeur et aux bonnes mœurs, qu’on peut voir en famille sans rien craindre.
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